Page:Breton - Un peintre paysan, 1896.djvu/195

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i83 Cette vision n’est plus du plaisir, de l’amour, de la douleur ou de l’horreur à F état de secousse paralysante; c’est tout cela ramené dans une surnaturelle extase où toutes les passions se fon- dent dans la joie créatrice. Sous cette vision l’âme s’échauffe, s’éclaire, et resplendit. L’idée en rayonne dans la forme qu’elle a élue. Quant au jugement qui surveille le travail, il est alors si rapide qu’il en est inconscient. Ce ne fut qu’après avoir écrit mon sonnet de Courrières que je vis qu’il valait mieux que mes précédents essais, et c’est bien plus tard que je me suis rendu compte des moyens dont je m’étais servi. Les qualités imitatives sont dans les mots eux-mêmes, dans le génie de la langue; de ces qualités le poète fait des harmonies par une juste association. Il y aurait d’ailleurs puérilité à rechercher de parti pris ces harmonies imitatives ; l’impres- sion qui émeut le poète et l’éclairé lorsqu’il compose doit les amener naturellement. Elles se présentent alors à son esprit et il semble qu’un être invisible lui souffle à l’oreille les mots magiques dans l’ordre où ils doivent produire l’effet rêvé. Le travail de l’ouvrier vient ensuite; mais, quoique nécessaire, ce travail, sans l’inspira-