Page:Breton - Un peintre paysan, 1896.djvu/204

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était plus à charge que de se voir dans la nécessité de gagner sa vie à des travaux de traductions, et de ne pouvoir se livrer librement à l’inspiration de son génie.

Car il était pauvre. Ses chefs-d’œuvre ne rapportaient guère, ne s’adressant qu’aux lecteurs d’élite, et ils sont rares.

Bien cruels, ceux qui, dans ces conditions, lui reprochent d’avoir accepté la modique pension que des amis dévoués avaient obtenue pour lui du gouvernement impérial.

Ces reproches l’ont blessé au plus fier de son cœur.

Oui ! pour toutes ces raisons, il fut parfois un révolté ; un révolté qui n’avait pas la haine des gens, mais des choses.

Parfois aussi il eut le dégoût de la terre et de ses bas-fonds aux halliers vénéneux, et alors le vol de ses imprécations sublimes l’élevait vers les cimes désertes comme celle que hante le Condor, si bien dépeint par le Maître :


Dormant dans l’air glacé, les ailes toutes grandes ;


et l’on peut dire alors de ce grand poète, dont le regard avait été créé pour rayonner d’une joie céleste :


Et le sombre soleil se meurt dans ses yeux froids.