Page:Brisson - La Comédie littéraire, 1895.djvu/355

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mérite à accomplir ce que d’autres ne pourraient réaliser. Le Japonais qui s’amuse à sculpter un grain de riz ne saurait être comparé à Phidias, et, cependant, c’est un virtuose en son genre. Le malheur est que le genre soit à ce point minuscule…

« Sculpteur en grains de riz », tel est M. Francis Poictevin ; tel il a été jusqu’à présent. Je crains qu’il ne s’en rende compte imparfaitement et qu’il n’attribue à ses livres une importance supérieure à leur mérite… Le fait même de leur publication trahit une étrange confiance en soi. Je sais d’honnêtes gens qui mourraient de honte à l’idée de faire paraître un volume où il n’y a rien. M. Francis Poictevin n’a pas de ces scrupules et de ces timidités. Il se présente hardiment, son papier à la main, et dit : C’est moi ! Et telle est notre badauderie, en ce beau pays de France, que cet aplomb réussit. On regarde avec étonnement le nouveau venu. Sa jactance en impose. On lit son volume… Si par malheur on le comprenait, tout serait perdu, on le mettrait de côté et l’on n’y penserait plus. Mais on n’y comprend rien et l’on s’étonne de n'y rien comprendre. Un critique qui à la prétention d’être intelligent écrit dans une revue : Ce livre est curieux… Et chacun de répéter : Ce livre est curieux. Quand on dit d’un livre qu’il est curieux, il peut être stupide, ridicule, ordurier, pis encore, l’auteur est immédiatement classé dans la catégorie des « jeunes qui ont de l’avenir et du talent »… On se sert de ses œuvres pour éreinter