Page:Brisson - La Comédie littéraire, 1895.djvu/95

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paix du crépuscule. Et l’œuvre de Richepin s’est modelée sur sa vie. Il a commencé par écrire des discours latins ; puis il a composé des chansons et enfin des tragédies en cinq actes pour la Comédie-Française.

Je ne veux pas regarder ce qui vaut le mieux de ses tragédies ou de ses chansons. Si j’avais un conseil à donner aux jeunes poètes, dans l’intérêt de leur bonheur, sinon de leur talent, je leur dirais : « Imitez cet homme, soyez comme il l’a été, tour à tour agité et raisonnable et toujours laborieux. Et les dieux vous béniront ! » Mais les artistes n’ont pas besoin de conseils, chacun suivant le penchant de sa nature. Peut être vaut-il mieux qu’il en soit ainsi...

Or je crois remarquer que les générations nouvelles sont animées d’un singulier esprit d’ordre et de prudence. La pauvre bohème est morte avec Banville qui égrenait de temps à autre, sur la tombe de Mürger, une grappe de lilas. Les peintres, les poètes, voire les médecins, envisagent dès l’adolescence le problème de la lutte pour la vie. Ils travaillent pour amasser un capital et en tirer bon parti. Le peintre entrevoit dans ses rêves un petit hôtel, le poète un ruban rouge et l’Académie, le médecin une clientèle mondaine. Et ils cherchent autour d’eux le véhicule qui doit les conduire au but désiré : le mariage riche, l’héritière. On me citait le mot typique d’un de nos brillants confrères,