Page:Brisson - La Comédie littéraire, 1895.djvu/96

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qu’une dame de ses amies voulait unir à une jeune fille de condition médiocre :

— Inutile d’insister, dit-il d’un ton sec. Je n’épouse pas, à moins d’un million !

Et ce jeune écrivain n’a encore publié que trois volumes ! Et il n’a pas le profil d’Antinoüs ! Jugez un peu s’il ressemblait seulement à M. Le Bargy, de la Comédie-Française ! Jérôme Paturot doit s’estimer satisfait. Ce revirement est son triomphe. Lui, qu’on a tant raillé, on le traite aujourd’hui avec égards, et l'on sollicite l’honneur de son alliance. Et je dois dire qu’il répond à demi aux avances qui lui sont faites ; il commence à considérer que les artistes peuvent être des gens sérieux, il ne leur refuse plus son estime et trouve assez agréable, ayant déjà la fortune, de prendre pour gendre un garçon de mérite qui lui apportera un parfum de gloire. Ainsi s’accomplit la fusion du talent et de la richesse. Nous avons toujours des poètes, mais ce sont des poètes bien nippés. Les cigales chantent encore, mais elles ne chantent plus à la belle étoile...