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LA THÉORIE PLATONICIENNE DE LA PARTICIPATION

qui, à première vue, ne présente aucun rapport avec la première ou qui du moins s’y rattache par un lien assez frêle. Nous essaierons de montrer plus loin que cette dissymétrie ou cette irrégularité de composition n’est qu’apparente. La seconde partie du Parménide n’est pas seulement un jeu scolaire, ou du moins, en même temps qu’il joue ce jeu, en même temps qu’il donne un exemple remarquable de la méthode dialectique ou hypothétique qui doit préparer la découverte de la vérité, le vieux Parménide, sans en avoir l’air, obéit à une pensée unique et poursuit un but qu’il ne découvre pas, mais qu’il ne perd pas un instant de vue. Au fond, toute cette partie dialectique est une nouvelle objection contre la théorie des Idées, la plus formidable de toutes, qui s’ajoute à toutes les précédentes et les complète. Ainsi qu’il l’a déjà fait tout à l’heure, le subtil Éléate se joue élégamment de l’inexpérience du jeune Socrate qui croit s’être écarté, jusqu’à la perdre de vue, de la question précédemment posée et ne se doute pas qu’il s’agit toujours du même problème : la discussion reste toujours au cœur du même sujet. Non moins abusé que Socrate, le lecteur qui suit d’un œil curieux, amusé, ou peut-être un peu irrité, les ripostes et les feintes de cette prestigieuse escrime, ne s’aperçoit pas que l’agile dialecticien, en même temps qu’il distrait son attention, pose un nouveau problème d’une importance capitale, en prépare la solution, la donne déjà plus qu’à moitié sans que personne y prenne garde. Mais Platon s’arrête à temps ; il ne laisse pas échapper son secret ; non seulement il ne donne pas encore le mot de l’énigme, mais il ne la formule même pas d’une manière claire. Il lui a plu de l’envelopper de ténèbres, soit qu’il ne jugeât pas l’heure venue de révéler toute sa pensée sur une des questions qui lui tenaient le plus à cœur, soit que cette pensée ne fût pas encore entièrement, déterminée dans son esprit, soit enfin, et cette hypothèse n’est pas la moins vraisemblable, qu’il prît plaisir à embarrasser des adversaires comme Zénon dont il a eu soin de rappeler le souvenir. Il n’est pas ici, comme d’ordinaire, inspiré par le seul amour de la vérité : il cède à l’amour de la dispute et il ne lui déplaît pas de faire admirer son adresse et sa force. Peut-être aussi savait-il qu’on stimule la curio-