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XVII
INTRODUCTION

et de sa science. Ses fonctions, confirmant ses titres, achevaient de le consacrer historien de la philosophie. L’occasion et ses goûts le portèrent plus d’une fois à faire de brillantes excursions hors de la philosophie ancienne. Il avait donné déjà à l’usage des classes deux éditions de Descartes, l’une contenant le Discours de la Méthode et la première Méditation, l’autre contenant le premier livre des Principes de la Philosophie : les deux éditions étaient accompagnées de notes abondantes et précises ; la première enfermait en outre, sous le titre d’éclaircissements, de courtes études, interprétatives et critiques, sur les plus importantes théories du cartésianisme, la méthode, le doute, le Cogito, l’existence de Dieu, la véracité divine ; dans sa façon d’apprécier et même de contredire Descartes on sent la profonde sympathie d’esprit qu’il garde, une fois qu’il a limité son dogmatisme, pour le philosophe des « idées claires et distinctes ». Il avait également signalé les emprunts que la philosophie cartésienne avait faits au Stoïcisme[1] ; comme plus tard il signalera tout ce que l’Éthique de Spinoza doit au Traité des Passions de Descartes[2]. C’est, parmi les philosophes modernes, Spinoza qui, avec Descartes, l’a le plus occupé. À un fantôme de spinozisme, créé, semble-t-il, tout juste pour être exorcisé, il voulait substituer l’image exacte du spinozisme réel, qui, selon lui, ne méconnaît ni l’individualité des âmes, ni même en un sens la personnalité de Dieu. Au lieu de ramener l’inspiration du Traité théologico-politique aux démonstrations de l’Éthique, par surcroît très étroitement et inexactement comprises, il élargissait la signification de l’Éthique de façon à lui faire ratifier telles quelles les formules du Théologico-politique, à lui faire admettre l’existence du Dieu personnel, du Dieu même de la tradition juive. Et du même coup, il montrait comment le spinozisme recouvre d’une forme moderne une synthèse de conceptions juives et de conceptions grecques déjà con-

  1. Descartes stoïcien, p. 320-326.
  2. Le Traité des Passions de Descartes et l’Éthique de Spinoza, p. 327-331.