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LA LOGIQUE DES STOÏCIENS

s’interpréter en compréhension ou en extension. Faut-il dire que l’attribut est compris dans le sujet, ou que le sujet est contenu dans la classe d’êtres représentés par l’attribut ? Ni l’un ni l’autre, répondent Zénon et Chrysippe. Il ne s’agit point de genres qui contiennent des espèces ou de concepts définis par des différences spécifiques. Le raisonnement porte uniquement sur des individus et des groupes de qualités liés selon certaines lois. Si Socrate présente les qualités exprimées par le mot homme, il devra présenter la qualité exprimée par le mot mortel. Par suite, il n’y a pas lieu de s’occuper des modes et des figures du syllogisme. Les stoïciens ont tenu cette gageure de constituer toute une logique sans Baroco ni Baralipton. Galien (De Hipp. et Plat. plac., t. II, p. 224) reproche à Chrysippe de n’avoir jamais eu recours à ces syllogismes, et de les avoir négligés. Ce n’est ni par oubli ni par crainte de la subtilité, on peut le croire, que Chrysippe a laissé de côté cette partie de la logique : c’est de propos délibéré, et par une conséquence légitime de l’idée qui lui sert de point de départ. Aux yeux d’un stoïcien conséquent, les classifications et réductions de syllogismes dont Aristote avait donné le modèle, et où se complaira plus tard la scolastique, ne sont plus qu’un vain exercice d’esprit, sans utilité et sans raison d’être : ne peut-on conjecturer que c’est à ces formes de syllogismes que Chrisippe faisait allusion quand il écrivait trois livres sur les συλλογιστικοὶ ἄχρηστοι (Ps. Gal., Εἰσαγ. διαλ., 58).

Tout ce qu’il est possible et légitime de faire, c’est de ramener tous les syllogismes possibles à un petit nombre de types élémentaires de forme conditionnelle, ou disjonctive. C’est précisément ce que les stoïciens ont fait en distinguant cinq syllogismes irréductibles ou ἀναπόδεικτοι. (Diog., 79 ; Sext., P., II, 157). On peut, comme dans la logique d’Aristote, représenter les termes par des lettres ou mieux encore par des chiffres (Sext., M., VIII, 227) afin sans doute de bien marquer qu’il s’agit, non de relations de concepts, mais d’un ordre de succession entre des choses concrètes. Toute la théorie du syllogisme se réduit donc à des formules très simples, bien plus simples en tout cas que les modes concluants de la syllogistique classique (Sext., M., VIII, 227 ; Diog., 79, 81) :