Page:Brochard - Études de philosophie ancienne et de philosophie moderne.djvu/388

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

dans ce cas. Les Stoïciens soutenaient aussi que Dieu et le monde ne font qu’un, et ils allaient même bien plus loin que Spinoza, puisqu’ils déclaraient que Dieu et le monde sont un corps visible et tangible ; cette théorie ne les empêchait pas d’affirmer que Dieu ou la cause immanente du monde, prend conscience de lui-même, qu’il se distingue de l’univers en certains sens. Ils l’appelaient même une Providence disposant toutes choses avec une nécessité absolue, il est vrai, en vue du plus grand bien. Platon n’identifiait pas Dieu et le monde, mais il concevait l’âme du monde qui est un dieu comme inséparable de l’univers, présente également à toutes ses parties, distincte cependant de cet univers comme l’âme humaine est distincte du corps qu’elle anime. Ce dernier point de vue a prévalu dans un grand nombre de doctrines philosophiques. On ne fait pas difficulté de se représenter l’âme, si inséparable qu’elle soit du corps, au moins dans la vie actuelle, comme présente à toutes ses parties et cependant distincte, non seulement du corps, mais même de ses propres états ou manières d’être. Il semble bien que Spinoza se soit arrêté à une conception analogue : bien qu’identique au monde, Dieu se distingue de lui comme la cause de ses effets et la substance de ses modes. Il prend conscience de lui. Il y a une différence entre la nature naturante et la nature naturée.

La doctrine de la nécessité et de la liberté est aussi de celles sur lesquelles il est le plus malaisé de s’entendre et qui ont attiré à Spinoza le plus grand nombre d’objections. Il est curieux de remarquer que la plupart des philosophes se sont reproché les uns aux autres de limiter la liberté de Dieu. On a accusé Spinoza de la supprimer entièrement ; mais lui même reproche aux philosophes anciens d’avoir porté atteinte à cette liberté en se représentant Dieu comme travaillant d’après un modèle imposé du dehors et poursuivant un bien ou une fin qu’il n’a pas choisie. Descartes avait déjà formulé la même critique. Il avait affranchi la divinité de cette sorte de contrainte extérieure et proclamé la liberté absolue de Dieu ; il avait soutenu que la volonté [