Page:Brochard - Études de philosophie ancienne et de philosophie moderne.djvu/399

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365] essentiels. Nous connaissons clairement deux de ses attributs ; encore faut-il remarquer que si l’intelligence selon Plotin n’appartient pas à l’essence de Dieu, elle est du moins sa première manifestation. La plus grande nouveauté est d’avoir considéré l’étendue ou la matière elle-même comme un attribut de la divinité ; ici Spinoza est aux antipodes de la pensée de Plotin et, sans aucun doute, il faut reconnaître ici l’influence de la doctrine de Descartes ; mais les deux conceptions sont d’accord pour représenter Dieu comme une cause efficiente, une force ou une puissance qui tire d’elle-même par sa seule initiative la multiplicité de ses effets. C’est par son action continue que toutes choses subsistent, et si, par impossible, elle cessait un instant d’agir, le monde entier s’abîmerait dans le néant. Le Dieu de Spinoza est sans doute une volonté unie à une intelligence ; mais on voit bien par toute sa philosophie que c’est l’idée de force ou de puissance qui apparaît le plus souvent à son esprit. La vertu, à ses yeux, est une puissance, et la principale vertu est la force d’âme ou l’intrépidité et la générosité. La sagesse est la méditation de la vie et non de la mort. L’espérance et la crainte sont des maux parce qu’elles attestent notre impuissance. Plus le corps humain est capable d’un grand nombre de fonctions, plus grande est la partie de l’âme qui est éternelle. En tout cas le Dieu de Spinoza, ainsi qu’il résulte des textes que nous avons cité tout à l’heure, n’a point d’idéal, et la finalité est rigoureusement exclue de son système. Descartes lui-même, qui avait fait un pas dans la même direction en déclarant que le vrai et le bien sont des œuvres de la volonté divine, ne va pas assez loin à son gré. Rien n’est bon ou mauvais par soi-même, toute chose est ce qu’elle peut être et elle peut être ce qu’elle doit être. Il n’y a pas de possible au sens absolu du mot, cela seul est possible qui est ; sans doute l’Être infini est appelé aussi l’Être parfait, mais la perfection n’est pas un terme vers lequel tende l’action divine, elle se définit par la réalité même, un être est d’autant plus parfait qu’il possède [366]