Page:Brochard - Études de philosophie ancienne et de philosophie moderne.djvu/400

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plus de réalité, la perfection est conçue non plus selon la catégorie de la qualité, mais selon la catégorie de la quantité. Par suite il faut sans doute reconnaître que la volonté divine est dirigée par une intelligence ; mais c’est par ses effets et par ses actes que cette intelligence même se manifeste.

La conception de la Divinité n’est pas la seule partie du système de Spinoza où se manifeste l’influence de la philosophie de Plotin. On pourrait faire entre les deux doctrines un grand nombre de rapprochements. Il serait trop long et hors de notre sujet de les passer ici en revue. Il en est un cependant qu’il convient d’indiquer parce qu’il touche de prés à notre sujet, et il est de telle nature qu’il ne semble pas que l’accord des deux philosophes puisse être le résultat d’une simple rencontre.

Nous avons rappelé ci-dessus la théorie si curieuse de Spinoza sur l’éternité des âmes : les âmes font partie de l’entendement divin, elles y sont en acte, et il s’agit là, non pas de l’âme humaine en général, mais des âmes individuelles exprimant l’essence d’un corps déterminé. Or nous trouvons chez Plotin une théorie toute semblable. L’âme humaine procède de l’âme universelle, mais elle est en même temps contenue dans l’intelligence divine. La différence entre les deux modes d’existence, c’est que les âmes en tant qu’existantes sont séparées les unes des autres, tandis que dans l’intelligence divine elles se pénètrent toutes. Là aussi il s’agit bien d’âmes individuelles ; c’est, dit Plotin, l’âme de Socrate ou de Pythagore qui fait partie de la pensée divine. Plotin, en effet, malgré sa prétention de suivre en toutes choses Platon, a subi l’influence des Stoïciens ; il est nominaliste tout comme Spinoza, et si les âmes sont encore appelées des idées, ce sont du moins des idées particulières et individuelles. En outre, selon Spinoza, non seulement les âmes humaines font à la fois partie par leur essence de l’entendement divin, par leur existence de l’ordre de la nature, mais encore dans la vie présente nous avons le sentiment et la conscience de cette réalité supra-sensible : la vie supérieure est mêlée à notre vie actuelle. A la vérité, la mémoire et l’imagination [