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du problème de l’erreur

la vérité était la règle, et l’erreur l’exception. Mais, si la vérité résulte d’une sorte de rencontre, d’une coïncidence, le rapport est renversé ; l’erreur est en quelque sorte l’état naturel de l’esprit. — Et il resterait bien d’autres difficultés à résoudre : celle de savoir, par exemple, à quel signe on reconnaît qu’une chose est vraie ou fausse.

En second lieu, on pourra, comme le fait depuis Kant la philosophie critique entendue au sens rigoureux, renoncer à parler de choses en soi, et à imaginer entre elles et nos idées une conformité impossible à vérifier. Dans cette hypothèse, il semble qu’il n’y ait plus de vérité ni de certitude possibles, et on persuadera malaisément à beaucoup de philosophes que ce ne soit pas là une forme du scepticisme. L’esprit étant isolé, n’ayant plus de prises sur une réalité indépendante et ne pouvant plus contrôler ses opérations en les comparant à ce qui est hors de lui, comment choisir entre les diverses idées ou propositions qu’il forme ? Toutes ses opérations ne sont-elles pas également naturelles et légitimes au même titre ? Pourtant les partisans de cette doctrine refusent de se laisser confondre avec les sceptiques. Ils doivent donner une nouvelle définition de la vérité et montrer qu’elle peut être connue sans sortir de la sphère des représentations ; il faudra aussi qu’ils se prononcent sur la question de la certitude. Mais il sera surtout indispensable qu’ils rendent compte de l’erreur. S’il n’y a