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de l’erreur

Si la découverte de l’erreur ne tarde pas à faire disparaître le réalisme naïf, qui est la première croyance de l’esprit humain et lui fait considérer ses idées comme absolument semblables aux choses, on peut dire aussi qu’elle marque l’avènement de la critique.

Elle prouve, en effet, que l’esprit humain ne connaît pas toujours les choses telles qu’elles sont ; il ajoute à ce qu’il reçoit ; souvent il le modifie ; la connaissance n’est pas indépendante du sujet qui connaît. On arrive ainsi à cette conception des choses à laquelle Kant a donné une forme définitive et qu’on appelle la philosophie critique.

Dans cette doctrine, la vérité et l’erreur pourront être définies de deux manières différentes. D’abord, on pourra admettre qu’il y a des choses en soi hors de la pensée, et, bien que l’esprit n’ait pas directement l’intuition de la réalité, si les notions qu’il forme se trouvent être, soit en vertu d’une sorte d’harmonie préétablie, soit à la suite de tâtonnements et d’efforts pour s’adapter à la réalité, conformes aux choses en soi, elles seront vraies ; elles seront fausses dans le cas contraire. — Mais alors il sera nécessaire de donner les raisons de cette différence ; le problème de l’erreur conservera la même importance que dans la théorie précédente, ou plutôt il en acquerra une plus grande ; car dans la doctrine précédente la connaissance du vrai était l’état normal de l’esprit ; la connaissance fausse était une déviation accidentelle ;