Page:Brochard - De l’erreur, 2e éd., 1897.djvu/23

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
17
théorie de platon

à l’ordre de l’existence, que l’erreur consiste à affirmer ce qui n’est pas ? — Mais, de même qu’on ne peut voir ce qui n’est pas, on ne peut juger ce qui n’est pas. Juger ce qui n’est pas, serait ne pas juger ; c’est l’argument indiqué ci-dessus.

3o On pourrait supposer que l’erreur consiste, étant données deux représentations, conformes d’ailleurs à la réalité, à prendre l’une pour l’autre (ἀλλοδοξία). Mais, suivant Platon, le jugement est le résultat de la parole intérieure : c’est un dialogue de l’âme avec elle-même. Il faudrait donc admettre que l’âme, pensant une chose belle (et par hypothèse la connaissant comme telle), se dise qu’elle est laide. — Quel homme, fût-il aliéné, soutiendra une pareille chose, dira que le pair est impair, ou qu’un cheval est un bœuf ?

4o Faisons maintenant un pas de plus et abandonnons le principe posé au début. Supposons qu’on puisse penser que ce qu’on sait est la même chose que ce qu’on ne sait pas, en d’autres termes, qu’on puisse à la fois savoir et ne pas savoir. Pour donner un sens à cette hypothèse, il faut (au moins pour le moment) admettre, comme le faisait Socrate, deux degrés dans la connaissance. On ne sait pas ce qu’on sent, el pourtant on en a une représentation. L’erreur consiste peut-être à prendre une sensation pour une idée ; elle ne sera, « ni dans les sensations comparées entre elles, ni dans les pensées, mais dans le concours de la sensation et de la pensée ».