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QUATRIÈME PARTIE

Peu de jours après, les portes de la ville étaient fermées, nous n’avons jamais revu cette dame, les évènements ayant tout bouleversé autour de nous. Nous avons donc gardé l’enfant. Nous avions une grande responsabilité ; mon fils avait alors huit mois et le petit garçon trois ans.

Le 21 septembre était l’anniversaire de la proclamation de la première République ; les esprits étaient agités, au souvenir de 1793, tout le monde voulait comme alors courir à la frontière.

Ce jour-là, mon mari fut vraiment heureux, tout lui semblait facile. Ma mère n’était pas contente, elle pensait que nous allions rester seules, et que nous avions deux enfants qu’il faudrait soigner ; « Et si le siège est de longue durée, disait-elle, comment ferons-nous ? »

Cela ne sera pas long, lui répondis-je ; avant peu les Prussiens auront quitté le territoire, les soldats des deux nations fraterniseront ; qu’importe aux Prussiens de recevoir l’argent de la République ou de l’empire. Nous sommes déjà débarrassés de ce dernier, c’est beaucoup, le reste s’arrangera. Je prenais mes rêves pour des réalités.

J’invoquais le souvenir de 1793 ; les républicains ont vaincu l’étranger, nous ferons de même !

Je n’étais ni effrayée, ni découragée. Je croyais tout possible.

Le 18 septembre il fallut partir, mon mari avait quitté la maison depuis deux jours, il était resté avec son bataillon, il vint nous dire adieu ; il avait le cœur bien gros lorsqu’il nous embrassa, il ne pouvait se