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SOUVENIRS D’UNE MORTE VIVANTE

séparer de son cher petit garçon, de grosses larmes lui coulaient sur les joues, il l’embrassa encore une fois, ainsi que ma mère et il partit. Il me demanda de l’accompagner jusqu’aux fortifications de la Barrière d’Italie. Ils allaient rejoindre l’armée de la Loire, de laquelle ils allaient faire partie.

Plusieurs autres corps francs étaient avec eux. Leur départ était vraiment imposant, le temps était magnifique, le chant de la Marseillaise, accompagné par la musique militaire, exaltait l’enthousiasme de tous ces braves, ils abandonnaient tout ce qui leur était cher ; ils faisaient volontairement le sacrifice de leur vie pour sauver la France.

Quel grand malheur, que nous n’ayons pas eu à notre tête des hommes capables et sans parti pris, n’ayant qu’un but, sauver la France de l’invasion étrangère. Si toute cette force vitale, animée des meilleures intentions et des plus purs sentiments avait été utilisée pour la défense nationale, les choses auraient tourné autrement.

Une foule immense les accompagnaient ; mais malgré nos chants, nous étions tristes et émus. Nous pensions : Combien reviendront-ils ? Et dans quelle situation se trouveront ceux qui auront échappé à la mort ?

Tous nous voulions dissimuler notre peine ; nous n’avions pas le droit d’affaiblir leur courage.

Quel que soit le résultat, défaite ou triomphe, ce dont nous étions absolument certains, c’est que tous ne reviendraient pas dans leur famille.

Arrivés aux fortifications, il fallut nous séparer, mon