Page:Brocher - Souvenirs d’une morte vivante, 1909.pdf/331

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
307
SOUVENIRS D’UNE MORTE VIVANTE

Nous leur dîmes ce qui venait d’arriver, ils me reçurent très bien. « Maintenant, me dirent-ils, vous ne pouvez plus rester à Paris. »

Voilà quinze mois et demi que les événements sont passés, on arrête et condamne toujours, il n’y a rien à espérer ; il vaut mieux que vous alliez à l’étranger.

— Mais où aller ? et maman, je ne peux pas la laisser ainsi.

— Ne vous inquiétez pas de votre mère, nous en aurons soin, elle restera chez M. Noël tant qu’elle voudra et si elle venait à quitter, elle viendrait ici. Dans dix-huit mois votre mari sera libre, alors vous pourrez vous réunir tous les trois.

— Mais ma mère ne m’a jamais quittée, elle sera désespérée.

— Votre mère est trop raisonnable, elle comprendra.

— Mais où aller ? en Angleterre il faut connaître la langue.

Je me suis souvenue qu’à Genève il y avait un jeune peintre décorateur, Corfus, de notre bataillon qui avait été sur les pontons avec mon mari, fut acquitté, mais expulsé de Paris et de France. Je lui écrivis, peu de jours après il me fit une réponse dans laquelle il m’indiquait le chemin le plus favorable pour quitter la France ; la voie ferrée par Bâle était encore sous la direction des Prussiens, il serait moins dangereux de passer par là que par Bellegarde. Mme Vaillant me prêta ses papiers, et deux semaines plus tard, je quittai ma mère.