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TROISIÈME PARTIE

14 mois, ses premières chutes l’effrayait bien un peu, il tombait dix fois, vingt fois, se relevait ; il en faisait un jeu, il riait aux larmes. C’est le seul vrai bonheur que j’aie goûté. Les mères qui se privent de ce bonheur là, ne savent pas que c’est le plus grand de la vie. Que de beaux rêves j’avais fait pour mon cher enfant ; je voulais qu’il fût instruit, qu’il eût une bonne éducation ; comme je serais heureuse, si un jour la chance venait à me sourire, et que mon fils fût devenu docteur ; je le rêvais célèbre, naturellement ; je lui enseignais à être bon pour tous les pauvres déshérités, qui souffrent et meurent faute de soins et d’argent. Ou professeur… le médecin de la pensée, qui fortifie le cerveau et crée des hommes intelligents, dans le véritable sens du mot, sans pédantisme.

Assurément je ne l’aurais jamais rêvé général. Je le rêvais bon, un homme enfin !

Lorsqu’il faut soigner un cher malade… on travaille moins et on dépense davantage ; dans cette période de ma vie, j’ai passé des instants très difficiles.

Un certain jour mon cher petit, allait plus mal, il faillit mourir, le médecin vint me voir, il m’ordonna une potion que je fis faire dans une pharmacie, c’était un samedi soir, il était trop tard pour aller régler le prix de mon travail, je ne m’étais pas aperçue que je n’avais plus d’argent. J’ouvre mon armoire, je regarde mon porte-monnaie, il est vide ; jugez de mon désespoir, j’étais timide, je ne savais que faire, j’ai fait les cents pas devant la porte du magasin sans entrer. Ce fut la première, et la seule fois de ma vie que je fus tentée de