Page:Bronte - La Maitresse d anglais - tome 1.djvu/34

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s’était pas écoulée que j’acceptais là position offerte.

Deux chambres, constamment fermées à l’air vivifiant du dehors, étaient mon univers, une vieille femme paralytique ma maîtresse, ma protectrice, mon amie, mon tout : Ses souffrances devinrent mes peines, leur soulagement mon espérance, sa mauvaise humeur mon châtiment, sa satisfaction ma récompense. J’oubliai presque qu’il existait au monde ; des champs, des bois ; des rivières, des mers ; je perdis jusqu’à l’habitude de contempler le panoráma changeant du ciel qui, à travers les vitres obscurcies par la vapeur d’une chambre de thalade, perdait la majeure partie de son attrait ; mon horizon s’était rétréci comme ma destinée : je n’essayai pas de lutter contre elle. L’idée de respirer le grand air ne me venait même plus ; les sobres repas de la malade satisfaisaient amplement mon appétit : J’avais pour unique étude le caractère vraiment original de miss Marchmont. Je souffrais souvent de sa mauvaise humeur, mais je ne pouvais m’empêcher de rendre intérieurement hommage à ses vertus, à la noblesse et à la sincérité de ses sentiments, à l’héroïsme qu’elle déployait contre la souffrance.

La triste existence de ma maîtresse se fût prolongée de vingt années encore, que je n’au-