Page:Bronte - La Maitresse d anglais - tome 1.djvu/35

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rais pas songé à la quitter ; le sort me préparait d’autres épreuses. Il ne devait pas m’être donné de me dérober ainsi aux vicissitudes de la vie, Ma nature indolente allait se réveiller sous l’aiguillon des multiples misères de l’humanité.

Une nuit de février, je me rappelle parfaitement cette nuit, une grande voix retentit au tour de la maison de miss Marchmont, voix entendue de tous ses habitants, mais intelligible peut-être pour moi seule. Après un calme. hiver, des tempêtes servaient d’avant-coureurs au printemps. J’avais mis miss Marchmont au lit, et : je m’étais assise au coin du feu pour coudre. Le vent avait gémi toute la journée contre les croisées, mais, à mesure que la nuit devenait plus profonde, il prenait un accent nouveau… un son aigu, perçant, presque articulé, plaintif et agaçant pour les nerfs, dominait chacune de ses bouffées.

— Oh ! puisse-t-il se taire ! pensai-je en mon esprit troublé ; et, laissant tomber mon ouvrage, j’essayai de boucher mes oreilles à ce cri pénétrant. Je n’avais que trop entendu déjà la même voix, et c’était pour moi une voix prophétique. Trois fois, dans le cours de ma vie, les événements m’avaient appris que ces étranges échos de la tempête dénotent un état de l’atmosphère fatal à l’existence humaine.