Page:Bronte - La Maitresse d anglais - tome 1.djvu/43

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héritait d’elle ; il se garda, du reste, d’y rien ajouter. La physionomie de cet héritier n’était pas trompeuse ; il avait le nez pointu et ridé, les tempes étroites ; son avarice devait faire le plus triste contraste avec la générosité, naturelle de sa parente, dont les pauvres, bénissaient la mémoire. En possession, de quinze livres sterling, ce qui me semblait presque une grosse somme, je n’en songeai pas moins avec effroi à la nécessité de chercher sous huit jours une autre demeure.

Dans cette fâcheuse conjoncture, j’allai consulter une ancienne servante de notre famille, autrefois ma bonne, aujourd’hui femme de charge dans une maison importante peu éloignée de la résidence de miss Marchmont. Plusieurs heures passées près d’elle me servirent peu ; elle ne savait que me conseiller. Il était presque nuit quand je la quittai ; j’avais plus de deux milles à faire à pied par la gelée ; malgré mes habitudes sédentaires, je me sentais jeune et forte. J’étais pauvre, abandonnée à moi-même, mais je n’avais pas encore vingt-trois ans ; je n’avais pas dit adieu à l’espérance ; le courage physique ne me manquait pas non plus. Plus d’une autre femme n’eût osé faire, à pareille heure, cette course solitaire à travers champs, course pendant laquelle je ne devais rencontrer ni village, ni ferme, pas