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SAPHO

ne fallait rien moins que l’ouvrage lire par MM. Massenet, Henri Cain et Arthur Bernède de Sapho, le plus beau roman d’Alphonse Daudet, pour raviver les vieilles discussions. Cet ouvrage a obtenu sur la scène de l’Opéra-Comique, grâce à ses deux derniers tableaux, je crois, un assez bruyant succès dont il est intéressant de rechercher les causes.

La théorie des opposants est celle-ci, résumée au plus bref : La musique, imprécise et, par cette imprécision, emportant tout dans le domaine de l’irréel, agrandissant tout, magnifiant tout, immatérialisant tout en son envolée de rêve ; héroïque, et, par cet héroïsme, rejetant tout dans un vague recul d’espace ; solennisant tout en sa noblesse d’expression, est impuissante à chanter notre humble existence actuelle, se rapetisse à notre contact et, près de nous, pauvres hommes de ce temps, déroge à sa majesté divine, à sa sublimité d’au delà.

À ces bonnes raisons, il est facile de répondre par d’autres que je résumerai également au plus bref : Le but suprême de l’artiste — que cet artiste soit écrivain, peintre, sculpteur ou musicien — est de traduire sur du papier blanc ou rayé, sur de la toile, dans le marbre, l’émotion de son âme devant la nature. L’artiste composant « de chic », comme on dit, un