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FIDELIO

délicieux pour Marceline et Jaquino ; de noblesse attendrie, de gravité sereine pour Léonore ; de bonhomie joviale, de vigueur tranquille pour Rocco ; de sauvage férocité, d’allégresse diabolique pour Pizarre, prend, pour Florestan, une ampleur, une beauté que rien n’égale. L’orchestre ne se borne point à accompagner les voix ; il a son rôle nettement défini, chante sans cesse, rit, pleure, s’agite, souffre, enveloppe le drame de poésie et d’harmonie. Et comme le compositeur a superbement méprisé l’effet dans ces seize morceaux qu’il faudrait étudier un à un, mesure par mesure, pour les bien connaître, pour les bien aimer, pour les bien applaudir aussi ; car, sous leur apparente simplicité, ils cachent une profondeur d’expression, une liberté de formes qui déconcertent absolument le public, partagé entre les coupes traditionnelles et la mélopée wagnérienne ! Il s’y habituera peu à peu. À ces morceaux, pour remplacer le « dialogue » qui les séparait, M. Gevaert, avec son grand et sévère talent, a ajouté des récitatifs dont je me plais à dire la valeur, mais que j’ose condamner, par cette bonne raison qu’il faut laisser les chefs-d’œuvre tels que les auteurs les ont conçus. (Et je n’excuse pas Berlioz de s’être fait le collaborateur de Weber). Mais revenons à Beethoven. Parmi ses seize morceaux, huit ou