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MUSIQUES D’HIER ET DE DEMAIN

neuf sont d’une magnificence supérieure. Le monologue de Pizarre, où tonnent les timbales, où hurlent les trombones, terrifie autant par la vérité de la déclamation que par l’audace de l’instrumentation On sait, pour l’avoir maintes fois entendu au concert, ce qu’est l’air de Léonore, si tendre et si doux, si énergique et si chaleureux ; mais quelle surprise n’éprouvera-t-on pas lorsque l’on écoulera le chœur des prisonniers remerciant la nature, le soleil, la brise, élevant aux cieux leur âme qu’oppresse le bonheur de la liberté passagère, et quelles larmes ne verserait-on pas pendant cette sublime et émouvante scène si elle était mieux interprétée ! Mais l’acte du cachot l’emporte encore sur tout ce qui précède. Quelle angoisse, quelle désolation dans le lent prélude sanglotant et gémissant ; quelle amertume, quelle tristesse, quelle souffrance dans la longue déploration de Florestan que traverse, évoqué par le hautbois, en une clarté surnaturelle, le souvenir de l’épouse aimée ; quel effroi dans le duo des fossoyeurs sourdement martelé par les contrebasses et quel contraste entre l’indifférence sinistre de Rocco et la douleur déchirante de Léonore ; quelle pureté, quel apaisement dans l’affectueux trio qui suit et quelle violence, quelle flamme dans le foudroyant quatuor du pistolet ; quel cri de