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MUSIQUES D’HIER ET DE DEMAIN

une impression de deuil accablant. Dans un burg que l’on croirait délaissé, Tristan, à l’ombre d’un haut tilleul, est couché sur un lit de repos. Des tierces désolées sortent du lent remous de l’orchestre grave, semblent monter vers l’infini tandis que chante une mélodie de larmes et de détresse. Dans l’isolement, dans le vide de l’espace s’entend le chalumeau d’un pâtre que Kurvenal a placé en vigie près de la mer. Vient-il donc le navire qui porte Iseult fidèle ? Avant de l’annoncer, la mélancolique mélopée champêtre, réveillant la douloureuse victime d’amour, évoque en son esprit les souvenirs d’autrefois. Elle se développe, se transforme et se mélange symphoniquement aux thèmes divers qui, comme par un effet d’hallucination, reparaissent à l’orchestre.

Mais l’air naïf du berger se change en une rondejoyeuse, mouvementée, folle, triomphante. La nef d’Iseult entre dans le port. En sa fièvre, Tristan s’est dressé sur sa couche ; il veut qu’à présent son sang coule pour que l’aimée cicatrise la blessure qu’elle seule peut fermer. Il s’élance au-devant d’elle, glisse et expire dans ses bras. Un second navire suivait celui d’Iseult. Le roi Marke en descend ; il arrive trop tard pour pardonner, et Kurvenal, frappant Melot, reçoit un coup qui le jette aux pieds de son maître. Alors,