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GWENDOLINE

déjà M. Catulle Mendès, dont l’amitié pour Chabrier — amitié très chaude et très admirative — ne devait plus se démentir, avait remis au musicien le poème du noble et bel ouvrage que, pendant des années et des années, l’on affecta d’ignorer à l’Opéra. Les portes des scènes sérieuses lui demeurant fermées, Chabrier offrit à Lamoureux l’étincelante rhapsodie orchestrale qui, du jour au lendemain, lui donna la célébrité. Le foudroyant succès d’España engagea la Monnaie de Bruxelles à monter aussitôt Gwendoline, qui, selon l’usage, fit son tour d’Europe avant de nous revenir. Entre temps, Carvalho commandait à Chabrier le Roi malgré lui, dont le livret banal, coulé dans le moule conventionnel de l’ancien opéra-comique, desservit son sens du théâtre, mais ne l’empêcha point de composer une partition d’allure à la fois très bouffonne et très charmante.

Car Chabrier possédait aussi, et cela au suprême degré, le charme et la grâce — sans aucune mièvrerie, ai-je besoin de le dire ? Il enveloppa certains types de femmes — sa voluptueuse Sulamite, par exemple, et la tragique fiancée d’Harald, également — d’un réseau délicieux de septièmes, de peuvièmes et d’appoggiatures qui les pare de façon exquise. Mais il avait surtout l’originalité, le don de création, et,