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MUSIQUES D’HIER ET DE DEMAIN

verses langues, palpitant de passion et de vie, il devait aussi se revêtir de musique. Rien n’affirme mieux la force des idées nouvelles, la puissance de l’évolution contemporaine que le rapprochement des deux Othello, de Rossini et de M. Verdi, l’un de soixante-dix ans plus vieux que l’autre.

La première de ces partitions témoigne d’un dilettantisme tout spécial : elle est le reflet des goûts d’une époque d’insouciance singulière ; elle montre en quel état d’infériorité tomba momentanément notre art, Au temps de l’Othello de Rossini, personne ne s’indignait, ne s’étonnait même de la joie bachique des chants, de la gaieté délirante de l’orchestre, du non-sens des vocalises appliquées pendant trois actes au drame terrible de la haine et de l’amour, car la barcarolle du Gondolier, la romance du Saule suffisaient à tout. Chose bien typique, des hommes connaissant la pièce initiale de Shakespeare, des lettrés sachant en admirer la prodigieuse splendeur, Lamartine, Musset, Stendhal et autres, furent saisis d’enthousiasme aux représentations de la parodie du chef-d’œuvre vénérable, dont aucun des personnages immortels n’était respecté ni dans son caractère, ni dans sa philosophie, ni dans son mouvement dramatique. Les plus intelligents ne voyaient