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OTHELLO

donc dans l’opéra qu’un prétexte à fioritures vocales, à morceaux de concert, à roucoulades imbéciles, considéraient le compositeur non pas comme un poète, au sens large, élevé, antique du mot, mais comme un sous-artiste à qui l’on ne demande point d’enfanter des êtres vivants, de jeter sur la scène des personnages de vibrante humanité, de créer des types inoubliables ; comme un ouvrier en cavatines, bon tout au plus à amuser le monde par ses chansons et ses rires.

Des gens sont venus qui, apportant la vérité et l’indépendance au lieu et place des plus absurdes conventions, ont amené le public à changer d’opinion sur notre compte et ont réhabilité la Musique.

On sait combien M. Verdi a subi l’influence de ce mouvement. Ses dernières partitions en portent l’empreinte très nette, et Falstaff, auquel nul de nous n’a ménagé les éloges, demeure un admirable effort de volonté et de génie. Othello, plus ancien de quelques années, n’accuse qu’en certaines de ses scènes cette préoccupation de la modernité. L’examen attentif de l’œuvre montrera que ces scènes — dont l’une, souverainement belle, qui constitue le quatrième acte — sont les meilleures, procédant d’une formule rationnelle de dialogue noté, appropriant avec beaucoup de justesse le chant à la parole, déve-