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maroquin rouge et vert représentaient sur un fond fauve des fleurs et des fruits ; c’était original et d’une exécution habile ; M. Brunet avait acquis ces deux volumes en 1839 à la vente de Pixérécourt, aussi connu comme bibliophile que comme dramaturge ; il les avait payés 435 fr., somme qui passa alors pour élevée ; ils atteignirent en 1868 le prix de 7,200 fr. et, après avoir traversé le cabinet d’un amateur bordelais, M. Henri B…, ils sont entrés, dit-on, dans la riche collection d’un amateur qui en a donné 14,000 fr.

Sans s’élever à de pareilles hauteurs, les volumes qui ont eu pour possesseurs des personnages célèbres au XVIe et au XVIIe siècle, jouissent aussi d’une brillante fortune.

Le célèbre trésorier de France à l’époque de François Ier, l’homme généreux qui gravait sur ses livres JO GLOLIERII ET AMICORUM possédait de beaux volumes, reliés avec beaucoup de goût et dont les plats sont couverts de capricieuses et charmantes arabesques ; ils ont été, de la part d’un érudit justement estimé, M. Le Roux de Lincy, l’objet d’une monographie fort bien faite, et lorsqu’il s’en présente quelques-uns dans les ventes, on se les dispute avec ardeur ; il faut, pour en rester propriétaire, les payer 1,500 à 2,000 fr., parfois davantage.

L’italien Maioli, le médecin génois Canevari, ne sont guère moins en renom que Grolier.

Les livres qui ont appartenu au chevaleresque François Ier, au méprisable Henri III, sont de même l’objet d’ambitions dévorantes ; on recherche avec une avidité qui ne connaît plus de bornes les beaux volumes sur lesquels se montrent réunis les H et les D, accompagnés de croissants, témoignages éloquents de la passion d’Henri II pour Diane de Poitiers, cette enchanteresse qui sut si bien le captiver.

Un magistrat qui est une des gloires de la France, un savant comme on l’était à l’époque de Scaliger et de Casaubon, littérateur distingué, grave historien, l’illustre Jacques-Auguste de Thou, avait réuni une nombreuse bibliothèque admirablement choisie, reliée avec luxe ; elle subsista entière jusqu’en 1788 ; les volumes qui en proviennent ne sont pas bien rares, mais ils sont toujours justement recherchés, parfois ils atteignent des prix qui attestent à quel point on les estime.

Le faible Louis XIII et Anne d’Autriche donnent un prix exceptionnel