Page:Brunet - Manuel du libraire, 1860, T01.djvu/25

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Quoique les livres qui appartiennent au premier siècle de la typographie, et en général les curiosités bibliographiques, occupent une grande place dans ce Manuel, il ne faut pas croire que j’aie négligé d’y mentionner les objets d’un usage plus général. Il est certain au contraire que les bonnes éditions des auteurs classiques grecs et latins, ainsi que les écrits philologiques qui servent à l’intelligence de ces auteurs, m’ont occupé sérieusement ; que les sciences et surtout l’histoire ont été également pour moi l’objet de nombreuses recherches. J’ai donné aussi une place suffisante aux notices consacrées aux littératures italienne, espagnole et anglaise, profitant pour le faire des bons travaux bibliographiques spéciaux qui depuis quelques années ont paru dans les pays étrangers, mais n’en usant toutefois qu’avec mesure, afin de ne pas dépasser les limites d’un Manuel. Après la littérature allemande, après la littérature anglaise et celle du Nord [1], dont je ne pouvais pas me dispenser de faire connaître les principales productions, j’ai dû porter mon attention sur la littérature orientale, laquelle, ainsi que les idiomes de l’Inde, a commencé depuis quelques années à se répandre beaucoup en Europe ; j’ai dû pareillement recueillir des notices sur ce qui nous est parvenu d’imprimé dans les langues de l’Indo-Chine, dans plusieurs idiomes africains, et dans ceux de l’Amérique centrale et du Pérou ; mais pour des objets si étrangers à la nature de mes études, je me suis borné aux indications, assez exactes à la vérité, que m’ont procurées les collections de ce genre vendues à Paris dans ces derniers temps, et à ce qu’il m’a été possible de rencontrer dans de bons catalogues étrangers. La réunion de tout ce que je viens d’énumérer présente un ensemble de renseignements utiles, qui, jusqu’alors, ne s’était encore trouvé aussi complet dans aucun autre répertoire de bibliographie générale ; et si, malgré cela, comme j’ai tout lieu de le craindre, mon travail laisse encore beaucoup à désirer, et surtout aux hommes qui forment des collections spéciales, d’un autre côté il n’est personne, peut-être, qui ne puisse le consulter avec quelque fruit.

Pour satisfaire à l’exigence d’une partie de mes lecteurs, j’ai cherché à donner une idée du prix des ouvrages que j’ai décrits ; chose fort difficile à faire avec quelque succès, puisque d’ordinaire les prix des livres en faveur tendent à s’élever de plus en plus, à mesure que les demandes augmentent, tandis que le sort de ceux qu’on ne recherche plus est de perdre de jour en jour davantage jusqu’à ce qu’une circonstance quelconque vienne en relever le prix[2]. Pour parer autant que possible à cet inconvénient, j’ai pris pour base de mes appréciations deux règles différentes, selon la nature des livres que j’avais à apprécier. Ainsi, lorsqu’il s’est agi de livres anciens qui rarement passent dans le commerce, je me suis borné à rapporter les prix auxquels ils ont été portés dans les ventes les plus célèbres faites en France, en Angleterre, et dans quelques autres parties de l’Europe, depuis un certain nombre d’années ; ce qui suffit pour faire voir les variations que peuvent éprouver dans leur valeur ces sortes de curiosités. Ces renseignements sur les prix des vieux livres ont, je le sais, été fort goûtés par les bibliophiles curieux de se les procurer, et que je dispensais ainsi de les chercher dans une

  1. Pour donner une idée des principales productions de la littérature moderne de la Russie, j’ai fait usage des renseignements qu’a bien voulu me communiquer M. le baron de Korff, ministre d’État, alors directeur en chef de la bibliothèque impériale publique de Saint-Pétersbourg.
  2. Voici deux exemples récents qui viennent à l’appui de ce que nous venons de dire des livres dont les prix tendent à s’élever : 1o la collection des historiens des Gaules, de D. Bouquet, etc., en 20 vol. in-fol., que nous avons estimée 1200 fr. en 1843, a été payée 2200 fr. (en 21 vol.) à la vente Solar ; 2o l’Histoire généalogique de la maison de France, par le P. Anselme, que nous ne portions qu’à 300 fr. dans notre premier volume, s’est vendue depuis de 500 à 700 fr. — Nous donnons à la suite de cette préface des considérations sur les livres rares et précieux, et sur les circonstances qui en déterminent le prix.