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bien loin de donner cette Table méthodique comme un modèle parfait de classification, j’ose croire que les personnes qui auraient des bibliothèques à former ou des catalogues à classer, ne la consulteront pas inutilement.

Dans nos quatre premières éditions ce Catalogue sommaire était accompagné d’une table des auteurs dont il n’avait été fait aucune mention dans le Dictionnaire, ou qui n’y étaient cités que pour une partie de leurs ouvrages ; or cette table particulière étant devenue inutile, en conséquence du nouvel arrangement que nous avons adopté dans notre dernière édition, ainsi que cela est expliqué à la page iv d’un nouvel avertissement, nous avons dû la supprimer, en conservant toutefois à la fin de notre cinquième volume la notice des éditions elseviriennes en petit format, ainsi que celle de quelques autres collections qu’il nous a paru utile de décrire.

III.

Tout en cherchant à conserver dans cette cinquième édition le plan général adopté pour la première en 1809, plan qui, j’ai lieu de le croire, n’a pas été désapprouvé, je me suis vu amené successivement à introduire de grandes modifications dans les détails du livre[1]. C’est qu’aussi, depuis l’époque de sa première publication (en 1809), bien des révolutions se sont opérées, je ne veux pas dire dans l’état politique de la France, chose dont je n’ai pas à m’occuper, mais dans les systèmes littéraires et scientifiques, dans la nature des études, dans le goût des bibliophiles, dans la fabrication des livres, dans leur mode de publication, et plus encore dans leurs prix. Lorsqu’à la fin du dernier siècle j’ai commencé mon travail, nous venions à peine d’échapper aux crises terribles qui, pendant plusieurs années, avaient désolé le pays. Alors dominait encore chez nous l’esprit philosophique ou prétendu tel du xviiie siècle, et avec ce philosophisme intolérant, un stupide mépris du passé, qui a couvert la France de ruines. En ce temps-là, pour bien des gens, tout ce qui était d’une date antérieure à l’ère républicaine devait être regardé comme non avenu. Au dire de ces apôtres de la raison, les livres sacrés de notre religion, les écrits des SS. Pères, ceux des plus grands théologiens et de Bossuet lui-même n’étaient que le produit de la superstition et du fanatisme ; l’histoire de nos aïeux, celle de nos provinces, les chartes de nos cités et de nos corporations, les archives glorieuses de nos grandes familles, que des débris inutiles de la féodalité et du privilége. Trop longtemps, répétaient-ils souvent, on a écrit la seule histoire des prêtres, des rois et des nobles, ne nous attachons plus qu’à celle des peuples. Comme si tous ces précieux souvenirs d’un passé qui certes ne fut pas sans gloire, mais que vouaient à un éternel oubli l’ignorance des uns et le fanatisme politique des autres, n’étaient pas les véritables archives de la nation, les documents les plus sûrs pour l’histoire ! On le conçoit donc, au sortir d’une époque


    mes de notre Dictionnaire, l’ordre des numéros de la Table méthodique fût entièrement arrêté ; et cette opération terminée, il n’a plus été possible de rien changer aux chiffres, même lorsqu’on s’est aperçu qu’un ouvrage n’était pas à sa véritable place.

  1. En conservant à mon livre le titre de Manuel du libraire, sous lequel il est généralement connu, je prouve assez que malgré les améliorations importantes et nombreuses que j’y ai introduites, je n’ai pas eu la prétention d’en faire un ouvrage de haute érudition, et encore moins celle de le donner pour une histoire complète et raisonnée de toutes les littératures anciennes et modernes. Il serait donc injuste d’exiger rien de plus que ce qu’annonce ce titre. Pourtant ma persévérance à le conserver aura cet inconvénient pour moi, que de prétendus savants dédaigneront de citer un titre aussi modeste, et que pour faire preuve de leur connaissance des sources germaniques, ils continueront, comme l’ont fait quelquefois certaines personnes, de s’appuyer de l’autorité du Lexique d’Ebert ou de toute autre compilation allemande, dont les articles ne sont le plus souvent que de simples traductions abrégées des miens, ou bien, comme dans le Trésor de M. Graesse, leur reproduction en français, fréquemment défigurée par des corrections maladroites qui en altèrent entièrement le sens.