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certains cas, atteindre celui des livres du premier ordre, ainsi qu’on peut le remarquer à l’égard du Cicéron de l’abbé d’Olivet, des Petits Géographes, de l’Hésiode de Robinson, du Xénophon de Wells, etc.

Éditions de luxe ; Livres à figures.

Si, comme nous en sommes convaincu, la correction des textes, la beauté des caractères, la netteté et l’égalité du tirage, et la bonne qualité du papier sont ce qui caractérise particulièrement un beau livre, il faut reconnaître qu’une grande partie des éditions ordinaires de nos anciens imprimeurs pourraient presque passer pour des livres de luxe, surtout comparativement à ce qui s’imprime aujourd’hui. Cependant, indépendamment de cette bonne fabrication courante des siècles derniers, il y a eu dans tous les temps, et presque dans tous les pays, de véritables livres de luxe pour l’usage des amateurs riches. À cette classe de curiosités bibliographiques appartiennent particulièrement les éditions sorties des presses des Baskerville, des Ibarra, des Didot, des Bodoni, des Bensley, des Bulmer, etc., éditions dont plusieurs sont d’un très-grand format, et enrichies de belles gravures. D’autres livres non moins magnifiques que ceux-là se rattachent à cette même classe : ce sont surtout les beaux ouvrages d’histoire naturelle, ornés de planches coloriées, ceux qui reproduisent les monuments de l’antiquité : ce sont encore les voyages pittoresques, et ces précieux ouvrages sur les beaux-arts, qui de temps en temps viennent enrichir nos bibliothèques. Dans ces sortes de livres, de nombreuses planches sont presque toujours indispensables, et le développement qu’il est nécessaire de leur donner justifie l’emploi du grand format, qu’alors, tout incommode qu’il est, on est bien forcé d’admettre ; mais, comme il n’en est pas de même à l’égard des livres de littérature, ce n’est pas chose surprenante qu’après avoir été accueillies jadis avec beaucoup de faveur, les grandes éditions des classiques modernes soient tombées dans unc sorte de discrédit. Sans doute un véritable bibliophile sera toujours charmé de conserver quelques beaux spécimens de l’industrie des imprimeurs qui se sont signalés par leur talent et par leur goût ; mais là s’arrêtera son culte pour ces curiosités plus somptueuses que véritablement utiles. Quant aux livres où l’emploi de la gravure est de toute nécessité, ils sont trop multipliés, et presque toujours d’un prix trop élevé pour qu’ils puissent réunir un grand nombre de souscripteurs. Voilà pourquoi une partie de ces belles et remarquables productions ne doivent leur existence qu’à l’utile patronage du gouvernement ; voilà pourquoi aussi, pour écouler des livres d’une défaite si difficile, les éditeurs sont fort sonvent contraints de les abandonner dans des encans pour des prix fort inférieurs à leur véritable valeur. Il n’en était pas ainsi lorsque le nombre de ces sortes d’ouvrages était assez limité pour que chacun, sans être fort riche, pût se procurer tout ce qui, en ce genre, convenait à sa spécialité. Alors la concurrence des acquéreurs maintenait les prix à un taux raisonnable. Il ne faut pas cependant que ce que nous venons de dire empêche les riches amateurs de beaux livres d’encourager par leurs souscriptions un genre d’industrie qui ne peut se passer de leur généreux concours.

Des Livres tirés à petit nombre[1] ; de ceux dont l’édition a été détruite, ou dont il n’est parvenu que quelques exemplaires en France.

Les livres dont il n’a été tiré qu’un très-petit nombre d’exemplaires, et qui originairement n’ont pas été mis dans le commerce, sont certainement fort rares.

  1. Nous n’admettons pas parmi les livres tirés à petit nombre les tirages à part qui se font très-fréquemment de mémoires littéraires ou scientifiques, de notices biographiques et d’autres extraits d’ouvrages périodiques ou de recueils académiques.