Page:Brunetière - L’Évolution de la poésie lyrique en France au dix-neuvième siècle, t2, 1906.djvu/187

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
179
M. LECONTE DE LISLE


III


Ces vers ont d’ailleurs un autre intérêt, qui est, en proposant à la poésie la réalisation de la beauté comme son objet suprême, de lui indiquer en même temps l’un des chemins au moins qui l’y conduisent, et le plus sûr qu’elle en puisse prendre. Rien n’était plus nécessaire alors, si les leçons de Sainte-Beuve, ou celles de Gautier même, n’avaient rien encore, presque rien opéré, et si le souvenir même s’en fût peut-être perdu sans l’apparition des Poèmes antiques. Cependant, où il n’y a pas d’art il peut y avoir tout ce que l’on voudra, — voire du génie même, — mais j’ose bien dire, en dépit de Musset, qu’il ne saurait y avoir de poète ; et c’est ce que M. Leconte de Lisle, l’ayant d’abord admirablement vu, n’a pas cessé de maintenir par l’autorité de son exemple, et de ses leçons.

Ce serait à cet égard un curieux problème que de rechercher les raisons du pouvoir mystérieux de la forme. « On ne confie rien d’immortel à des langues toujours changeantes » ; — c’est Bossuet qui l’a dit, —


    c’est ce que nous dirons nous aussi. Grâce au sentiment qu’il a de la nature, M. Leconte de Lisle a pu retrouver plus d’une fois dans les fables humanisées des Grecs la très inconsciente, mais très profonde philosophie naturaliste, dont la mythologie que l’on pourrait appeler classique n’est qu’une simplification.

    Voyez Renan : les Religions de l’antiquité, et Creuzer, dans son grand ouvrage.