Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome II, partie 1.pdf/70

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des monuments tirés du sein de la terre, et particulièrement du fond des minières de charbon et d’ardoise, qui nous démontrent que quelques-uns des poissons et des végétaux que ces matières contiennent, ne sont pas des espèces actuellement existantes[1]. On peut donc croire que la population de la mer en animaux n’est pas plus ancienne que celle de la terre en végétaux[NdÉ 1] : les monuments et les témoins sont plus nombreux, plus évidents pour la mer ; mais ceux qui déposent pour la terre sont aussi certains, et semblent nous démontrer que ces espèces anciennes dans les animaux marins et dans les végétaux terrestres sont anéanties, ou plutôt ont cessé de se multiplier dès que la terre et la mer ont perdu la grande chaleur nécessaire à l’effet de leur propagation.

Les coquillages ainsi que les végétaux de ce premier temps s’étant prodigieusement multipliés pendant ce long espace de vingt mille ans, et la durée de leur vie n’étant que de peu d’années, les animaux à coquilles, les polypes des coraux, des madrépores, des astroïtes et tous les petits animaux qui convertissent l’eau de la mer en pierre, ont, à mesure qu’ils périssaient, abandonné leurs dépouilles et leurs ouvrages aux caprices des eaux : elles auront transporté, brisé et déposé ces dépouilles en mille et mille endroits ; car c’est dans ce même temps que le mouvement des marées et des vents réglés a commencé de former les couches horizontales de la surface de la terre par les sédiments et le dépôt des eaux ; ensuite les courants ont donné à toutes les collines et à toutes les montagnes de médiocre hauteur des directions correspondantes, en sorte que leurs angles saillants sont toujours opposés à des angles rentrants. Nous ne répéterons pas ici ce que nous avons dit à ce sujet dans notre Théorie de la terre, et nous nous contenterons d’assurer que cette disposition générale de la surface du globe par angles correspondants, ainsi que sa composition par couches horizontales, ou également et parallèlement inclinées, démontrent évidemment que la structure et la forme de la surface actuelle de la terre ont été disposées par les eaux et produites par leurs sédiments[NdÉ 2]. Il n’y a eu que les crêtes et les pics des plus hautes montagnes qui, peut-être, se sont trouvés hors d’atteinte aux eaux, ou n’en ont été surmontés que pendant un petit temps, et sur lesquels par conséquent la mer n’a point laissé d’empreintes : mais ne pouvant les attaquer par leur sommet, elle les a prises par la base ; elle a recouvert

  1. Voyez ci-après les notes justificatives des faits.
  1. Tous les faits que nous connaissons permettent, au contraire, de supposer, ou plutôt d’affirmer que la mer a été peuplée d’animaux et de végétaux à une époque où la terre n’en offrait pas encore, et que c’est dans l’eau que se sont formés les organismes les plus anciens. (Voyez mon Introduction.)
  2. Buffon a dit plus haut que les montagnes avaient été formées par le soulèvement de la surface de la terre à l’époque du refroidissement ; il semble revenir en partie, ici, à l’opinion formulée dans sa Théorie de la terre, d’après laquelle les montagnes auraient été produites par des sédiments aqueux