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XXV
PAR CONDORCET.

parlé, et qui reparoissent trop souvent dans le cours de ses ouvrages, mais on lui a reproché un esprit trop systématique, ou plutôt un esprit trop prompt à former des résultats généraux d’après les premiers rapports qui l’ont frappé, et de négliger trop ensuite les autres rapports qui auroient pu ou jeter des doutes sur ces résultats, ou en diminuer la généralité, ou leur ôter cet air de grandeur, ce caractère imposant, si propre à entraîner les imaginations ardentes et mobiles. Les savants qui cherchent la vérité étoient fâchés d’être obligés sans cesse de se défendre contre la séduction, et de ne trouver souvent, au lieu de résultats et de faits propres à servir de base à leurs recherches et à leurs observations, que des opinions à examiner et des doutes à résoudre.

Mais si l’Histoire naturelle a eu parmi les savants des censeurs sévères, le style de cet ouvrage n’a trouvé que des admirateurs.

M. de Buffon est poëte dans ses descriptions ; mais, comme les grands poëtes, il sait rendre intéressante la peinture des objets physiques, en y mêlant avec art des idées morales qui intéressent l’âme, en même temps que l’imagination est amusée ou étonnée. Son style est harmonieux, non de cette harmonie qui appartient à tous les écrivains corrects à qui le sens de l’oreille n’a pas été refusé, et qui consiste presque uniquement à éviter les sons durs ou pénibles, mais de cette harmonie qui est une partie du talent, ajoute aux beautés par une sorte d’analogie entre les idées et les sons, et fait que la phrase est douce et sonore, majestueuse ou légère, suivant les objets qu’elle doit peindre et les sentiments qu’elle doit réveiller.