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XXVI
ÉLOGE DE BUFFON

Si M. de Buffon est plus abondant que précis, cette abondance est plutôt dans les choses que dans les mots : il ne s’arrête pas à une idée simple, il en multiplie les nuances ; mais chacune d’elles est exprimée avec précision. Son style a de la majesté, de la pompe ; mais c’est parce qu’il présente des idées vastes et de grandes images. La force et l’énergie lui paroissent naturelles ; il semble qu’il lui ait été impossible de parler, ou plutôt de penser autrement. On a loué la variété de ses tons, on s’est plaint de sa monotonie ; mais ce qui peut être fondé dans cette censure est encore un sujet d’éloge. En peignant la nature sublime ou terrible, douce ou riante ; en décrivant la fureur du tigre, la majesté du cheval, la fierté et la rapidité de l’aigle, les couleurs brillantes du colibri, la légèreté de l’oiseau-mouche, son style prend le caractère des objets ; mais il conserve sa dignité imposante : c’est toujours la nature qu’il peint, et il sait que même dans les petits objets elle a manifesté toute sa puissance. Frappé d’une sorte de respect religieux pour les grands phénomènes de l’univers, pour les lois générales auxquelles obéissent les diverses parties du vaste ensemble qu’il a entrepris de tracer, ce sentiment se montre partout, et forme en quelque sorte le fond sur lequel il répand de la variété, sans que cependant on cesse jamais de l’apercevoir.

Cet art de peindre en ne paroissant que raconter, ce grand talent du style porté aux objets qu’on avoit traités avec clarté, avec élégance, et même embellis par des réflexions ingénieuses, mais auxquels jusqu’alors l’éloquence avoit paru étrangère, frappèrent bientôt tous les esprits : la langue françoise étoit déjà de-