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THÉORIE DE LA TERRE.

ou de glu verte, et dans d’autres lieux, orange foncé. Or, l’eau de cette mer étant plus claire et plus transparente qu’aucune autre eau du monde, de sorte qu’à 20 brasses de profondeur l’œil pénètre jusqu’au fond, surtout depuis Suaquen jusqu’à l’extrémité du golfe, il arrive qu’elle paroît prendre la couleur des choses qu’elle couvre ; par exemple, lorsque les rocs sont comme enduits de glu verte, l’eau qui passe par dessus paroît d’un vert plus foncé que les rocs mêmes ; et lorsque le fond est uniquement de sable, l’eau paroît blanche : de même, lorsque les rocs sont de corail, dans le sens que j’ai donné à ce terme, et que la glu qui les environne est rouge ou rougeâtre, l’eau se teint, ou plutôt semble se teindre en rouge. Ainsi, comme les rocs de cette couleur sont plus fréquents que les blancs et les verts, D. Jean conclut qu’on a dû donner au golfe Arabique le nom de mer Rouge plutôt que celui de mer Verte ou Blanche ; il s’applaudit de cette découverte avec d’autant plus de raison, que la méthode par laquelle il s’en étoit assuré ne pouvoit lui laisser aucun doute. Il faisoit amarrer une flûte contre les rocs dans les lieux qui n’avoient point assez de profondeur pour permettre aux vaisseaux d’approcher, et souvent les matelots pouvoient exécuter ses ordres à leur aise, sans avoir la mer plus haut que l’estomac à plus d’une demi-lieue des rocs ; la plus grande partie des pierres ou des cailloux qu’ils en tiroient dans les lieux où l’eau paroissoit rouge, avoient aussi cette couleur ; dans l’eau qui paroissoit verte, les pierres étoient vertes ; et si l’eau paroissoit blanche, le fond étoit d’un sable blanc, où l’on n’apercevoit point d’autre mélange. »