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ART. XI. MERS ET LACS.

de voir que cet endroit de M. de Tournefort n’est pas assez réfléchi. La mer Méditerranée tire au contraire au moins dix fois plus d’eau de l’Océan qu’elle n’en tire de la mer Noire, parce que le Bosphore n’a que huit cents pas de largeur dans l’endroit le plus étroit, au lieu que le détroit de Gibraltar en a plus de cinq mille dans l’endroit le plus serré, et qu’en supposant les vitesses égales dans l’un et dans l’autre détroit, celui de Gibraltar a bien plus de profondeur.

M. de Tournefort, qui plaisante sur Polybe au sujet de l’opinion que le Bosphore se remplira, et qui la traite de fausse prédiction, n’a pas fait assez d’attention aux circonstances, pour prononcer comme il le fait sur l’impossibilité de cet événement. Cette mer, qui reçoit huit ou dix grands fleuves, dont la plupart entraînent beaucoup de terre, de sable, et de limon, ne se remplit-elle pas peu à peu ? les vents et le courant naturel des eaux vers le Bosphore ne doivent-ils pas y transporter une partie de ces terres amenées par ces fleuves ? Il est donc, au contraire, très probable que par la succession des temps le Bosphore se trouvera rempli, lorsque les fleuves qui arrivent dans la mer Noire auront beaucoup diminué : or, tous les fleuves diminuent de jour en jour, parce que tous les jours les montagnes s’abaissent ; les vapeurs qui s’arrêtent autour des montagnes étant les premières sources des rivières, leur grosseur et leur quantité d’eau dépend de la quantité de ces vapeurs, qui ne peut manquer de diminuer à mesure que les montagnes diminuent de hauteur.

Cette mer reçoit, à la vérité, plus d’eau par les fleuves que la Méditerranée, et voici ce qu’en dit le