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THÉORIE DE LA TERRE.

l’air qui sort de leur orifice inférieur ; car il paroîtra certain à tous ceux qui auront occasion d’observer ces trombes, qu’elles ne sont composées que d’un air engouffré dans un nuage visqueux, et déterminé par son tournoiement vers la surface de la mer.

M. de La Nux a vu des trombes autour de l’île de Bourbon dans les mois de janvier, mai, juin, octobre, c’est-à-dire en toutes saisons ; il en a vu dans des temps calmes et pendant de grands vents : mais néanmoins on peut dire que ces phénomènes ne se montrent que rarement, et ne se montrent guère que sur la mer, parce que la viscosité des nuages ne peut provenir que des parties bitumineuses et grasses que la chaleur du soleil et les vents enlèvent à la surface des eaux de la mer, et qui se trouvent rassemblées dans des nuages assez voisins de sa surface ; c’est par cette raison qu’on ne voit pas de pareilles trombes sur la terre, où il n’y a pas, comme sur la surface de la mer, une abondante quantité de parties bitumineuses et huileuses que l’action de la chaleur pourroit en détacher. On en voit cependant quelquefois sur la terre, et même à de grandes distances de la mer ; ce qui peut arriver lorsque les nuages visqueux sont poussés rapidement par un vent violent de la mer vers les terres. M. de Grignon a vu au mois de juin 1768, en Lorraine, près de Vauvillier, dans les coteaux qui sont une suite de l’empiètement des Vosges, une trombe très bien formée ; elle avoit environ cinquante toises de hauteur ; sa forme étoit celle d’une colonne, et elle communiquoit à un gros nuage fort épais, et poussé par un ou plusieurs vents violents, qui faisoient tourner rapidement la trombe, et produisoient des éclairs et des