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THÉORIE DE LA TERRE.

force prodigieuse qui auroit élevé ces masses énormes auroit en même temps détruit une grande partie de la surface du globe, et l’effet du tremblement auroit été d’une violence inconcevable, puisque les plus fameux tremblements de terre dont l’histoire fasse mention n’ont pas eu assez de force pour élever des montagnes : par exemple, il y eut, du temps de Valentinien Ier, un tremblement de terre qui se fit sentir dans tout le monde connu, comme le rapporte Ammien Marcellin[1], et cependant il n’y eut aucune montagne élevée par ce grand tremblement.

Il est cependant vrai qu’en calculant on pourroit trouver qu’un tremblement de terre assez violent pour élever les plus hautes montagnes, ne le seroit pas assez pour déplacer le reste du globe.

Car, supposons pour un instant que la chaîne des hautes montagnes qui traverse l’Amérique méridionale, depuis la pointe des terres Magellaniques jusqu’aux montagnes de la Nouvelle-Grenade et au golfe de Darien, ait été élevée tout à la fois et produite par un tremblement de terre, et voyons par le calcul l’effet de cette explosion. Cette chaîne de montagnes a environ dix-sept cents lieues de longueur, et communément quarante lieues de largeur, y compris les Sierras, qui sont des montagnes moins élevées que les Andes ; la surface de ce terrain est donc de soixante-huit mille lieues carrées. Je suppose que l’épaisseur de la matière déplacée par le tremblement est d’une lieue, c’est-à-dire que la hauteur moyenne de ces montagnes, prise du sommet jusqu’au pied, ou plutôt jusqu’aux cavernes qui, dans cette hypothèse,

  1. Lib. XXVI, cap. xiv.