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THÉORIE DE LA TERRE.

ville avoit souvent été détruite en total ou en partie par les torrents de lave, ils ont construit de très fortes murailles de cinquante-cinq pieds de hauteur ; environnés de ces remparts, ils se croyoient en sûreté : les murailles résistèrent en effet au feu et au poids du torrent, mais cette résistance ne servit qu’à le gonfler ; il s’éleva jusqu’au dessus de ces remparts, retomba sur la ville, et détruisit tout ce qui se trouva sur son passage.

Ces torrents de lave ont souvent une demi-lieue et quelquefois jusqu’à deux lieues de largeur. « La dernière lave que nous avons traversée, dit M. Brydone, avant d’arriver à Catane, est d’une si vaste étendue, que je croyois qu’elle ne finiroit jamais ; elle n’a certainement pas moins de six ou sept milles de large, et elle paroît être en plusieurs endroits d’un profondeur énorme : elle a chassé en arrière les eaux de la mer a plus d’un mille, et a formé un large promontoire élevé et noir, devant lequel il y a beaucoup d’eau. Cette lave est stérile et n’est couverte que de très peu de terreau : cependant elle est ancienne ; car au rapport de Diodore de Sicile, cette même lave a été vomie par l’Etna au temps de la seconde guerre punique : lorsque Syracuse étoit assiégée par les Romains, les habitants de Taurominium envoyèrent un détachement pour secourir les assiégés ; les soldats furent arrêtés dans leur marche par ce torrent de lave qui avoit déjà gagné la mer avant leur arrivée au pied de la montagne ; il leur coupa entièrement le passage. Ce fait, confirmé par d’autres auteurs et même par des inscriptions et des monuments, s’est passé il y a deux mille ans ; et cependant cette lave n’est encore