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Elle nous a donné en un clin-d’œil la cause de cataclismes que les savants expliquent de diverses manières, mais sans avoir encore trouvé la bonne, que nous, Canadiens, avons maintenant le bonheur de connaître.

Il est à supposer que toutes les parties de la science agricole sont enseignées de la même façon.

« Pourquoi, dit un élève à son professeur, ce grain de blé, que j’ai semé il y a six mois, a-t-il produit ce bel épi que vous voyez ? Comment ce travail s’est-il fait ?

— C’est parce que, mon enfant, vous aviez communié ce jour-là.

— Et cet autre épi si maigre, pourquoi ?…

— Ah ! il y a un péché là-dessous ou tout près ; prenez garde, il pourrait bien vous sauter à la figure ; allez quérir de l’eau bénite et arrosez-en cet épi ; demain, vous le verrez pliant sous le poids de ses grains. »

Constatons que la Gazette des Campagnes est dirigée et contrôlée par le supérieur du collège de Sainte-Anne, et que la ferme-modèle appartient à ce collège qui est en train d’acquérir à peu près la moitié de la paroisse.

À côté de cette ferme-modèle, très bien cultivée du reste, et qui donne de beaux produits, on voit les terres des habitants s’amaigrir de plus en plus en subissant les errements de la vieille routine.

De même, si l’on se transporte à la côte Beaupré, près de Québec, on voit des fermes appartenant au Séminaire dans un état de prospérité éclatante, comparées à celles qui les entourent.

Le secret de cette différence est dans le fumier et la bonne culture appliquée à ces fermes. Mais pour les terres d’habitants, c’est autre chose. Là il faut surtout force messes et quarante heures. On admet à la rigueur la charrue, mais comme accessoire ; les habitants sont prévenus d’avoir à compter surtout sur leur exactitude à payer la dîme. S’ils n’ont pas de bonnes récoltes, c’est parce que les idées modernes commencent à travailler notre société.

Maintenant, transportons-nous sur un autre théâtre.

Il y a quelque temps un étranger, sourd-muet, arrive à Montréal et se fait conduire à la chapelle des sourds-muets, rue Marguerite.

Voici ce qu’il y vit ; je cite textuellement le rapport qu’il en a fait.

« Le professeur, habillé en prêtre, ouvrit son livre, épela le nom de Chiniquy plusieurs fois, afin de bien l’imprimer dans l’esprit de ses élèves. Dès qu’il fut convaincu d’être bien compris, il secoua la tête, comme avec angoisse, et fit la peinture de Chiniquy au moyen de signes qui signifiaient : Lui, méchant, a beaucoup d’enfants naturels ; chassé de l’église romaine pour ivrognerie et immoralité, s’est fait protestant. — Ici, les sourds-muets manifestèrent leur dégoût et leur indi-