Page:Buies - La lanterne, 1884.djvu/14

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baiseront ignominieusement la main des meurtriers. Que la honte et l’opprobre les couvrent et que le mépris public soit leur châtiment !

Bang ! Pif ! Paf ! S’il est un fait connu pourtant, c’est que je n’ai jamais recommandé aux jeunes canadiens de se rendre à Rome, et que par conséquent je n’ai pu vouloir les y faire tuer.

Il faut s’entendre là-dessus. Sont-ce les patriotes d’Italie qui veulent démolir les zouaves canadiens, ou les zouaves canadiens qui veulent démolir les patriotes d’Italie ?

Je ne sache pas que Mazzini soit venu au Canada nous provoquer, tandis qu’il est constant que les zouaves canadiens sont allés à Rome provoquer les Italiens.

Le Journal de Québec dit en parlant de moi :

Il en veut à ceux qui parlent sa langue — nous ne disons pas qui professent sa religion — d’avoir suivi d’autres conseils que les siens, et il les anéantira s’il le peut. Ces libres-penseurs ne permettent pas aux autres de penser librement, et ceux qui ont le malheur d’avoir d’autres idées que les leurs sur la philosophie, sur la politique, sur la société, sur les droits et les devoirs, ne sont pour eux que des niais ou de vils mercenaires.

Pardon, Journal, il ne tient pas à moi d’empêcher ceux qui pensent d’exprimer leurs idées librement quand ils le voudront. Mais vous qui n’êtes ni penseur, ni libre, je ne vois pas de quoi vous pouvez vous plaindre.

Il me reste maintenant à parler des grands hommes ; je commence par Paul Denis qui a été nommé Conseiller de la Reine pour avoir fait deux faux. Malheureusement, Paul Denis préfère l’obscurité au grand rôle qu’il aurait pu jouer à notre époque de gloire. En ce moment il fabrique des cocks-tails dans un bar de Chicago.

Je ne suis pas, moi, comme ces gens du Pays qui s’imaginent que le peuple puisse être trompé. Non, le peuple est infaillible ; et ce qui le prouve, c’est qu’il a réélu Jean-Baptiste Daoust après ses deux procès pour faux. Donc, Jean-Baptiste Daoust n’était pas coupable.

Je ne vois pas pourquoi nous avons des tribunaux, si c’est le peuple qui décide de ces choses-là.

Quand un homme aura commis un vol ou un meurtre, ne lui faites pas de procès ; envoyez-le dans un comté, et s’il est élu, la Minerve dira qu’il est un agneau sans tache ; s’il n’est pas élu, qu’on le pende.

Il n’y a plus que deux alternatives pour les scélérats. Être conseiller de la reine, ministre ou forçat.

Ce qui m’a toujours étonné, c’est que la Minerve appelle les Américains canailles. Il n’y a pas de canailles. Les seules canailles sont les honnêtes gens.