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LA LANTERNE


No 14




Connaissez-vous une habitude plus sottement despotique que les visites du jour de l’an ? Tout le monde l’exècre, et tout le monde la suit. La mode est le plus implacable des tyrans, parce qu’elle s’impose à ceux-là mêmes qui sont libres de la repousser.

Mais que dire de ceux qui, non contents de faire cent visites à leurs amis et connaissances, en font cinquante autres à ceux qu’ils ne connaissent pas, dans l’espoir de ne pas être oubliés à leurs bals ou soirées du carnaval ? De ceux qui choisissent précisément le jour où le nombre des amis vous accable, pour venir y ajouter celui des inconnus ?

Quel mal vous ont donc fait les malheureuses que vous assommez de vos souhaits, qui ne vous ont jamais vus, ou qui ne vous connaissent de nom que pour désirer de ne pas vous connaître davantage ?

Oui, il est des individus qui préparent huit jours à l’avance une liste de ceux qu’ils vont tourmenter de leur présence sous prétexte de nouvelle année, qui en parlent à tous ceux qu’ils rencontrent, leur demandent d’y ajouter de nouveaux noms, et qui, le jour venu, ont bien garde d’en oublier un seul.

Se condamner à dire et à s’entendre dire cent fois dans une même journée :

Je vous souhaite une heureuse année, madame,

— Merci, monsieur, moi aussi.