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À ce récit, je me suis senti fondre.

Quel enseignement ce doit être que de voir une fois Sa Grandeur réduite à ses justes proportions ! On ne sait pas si Elle avait un tablier.

Sa Grandeur se faisant petite et humble ! Il est vrai qu’elle n’en veut pas prendre l’habitude, et que ce n’est qu’une fois l’an.

Je vois Sa Grâce s’approchant des pauvres et des malades, qu’elle connaît tous par leur nom et dont elle cherche à multiplier le nombre, pour renouveler le plus longtemps possible la touchante cérémonie :

— « Toi, Polycarpe, qu’est-ce que tu prends ?

— Une côtelette de Pacifique, Monseigneur.

— Et toi, Anatasie ?

— Une tranche du mollet de Vital, Illustrissime.

— Et toi, Eutichien ?

— Un morceau de sainte blague aux petits oignons.

— Et toi, Cunégonde ?

— Une soupe d’oseille à l’eau bénite.

— Canut, mon bien-aimé, que prends-tu à ton tour ?

— Un morceau de buffle à la sauce de mandement, divine Grandeur.

— Que t’offrirai-je à toi, Reginfrède chérie ?

— Je ne veux rien, rien, Monseigneur, que votre présence réelle aux champignons,

— Oh ! viens, viens sur mon cœur, toi en qui j’ai mis toutes mes complaisances, reçois-moi, prends-moi, mange-moi, étouffe-toi de moi, vois-tu, oh ! encore ! tiens, voici mon corps et mon sang, avale tout. »

Quelle abnégation et quel sacrifice de soi-même !

C’est à ce moment surtout que la cérémonie devient touchante.

Que reste-t-il à désirer après cela ?

Mourir d’indigestion sacrée.

Puis, le Nouveau-Monde continue en ces termes le récit de toutes les grandes choses accomplies par Monseigneur la semaine dernière.

« Il ne serait peut-être pas déplacé de dire au sujet de la belle fête du Gésu dont nous parlons aujourd’hui, que le magnifique dais suspendu au-dessus du trône de l’évêque est un morceau tout à fait historique. Ce n’est rien moins que le dais qui servit au sacre de Charles X dans la cathédrale de Reims. Donné par la duchesse de Berry aux Jésuites de France, ceux-ci en firent cadeau à leurs frères du Canada lorsqu’ils abandonnèrent leur collége de Brugelette. »

Il ne serait peut-être pas déplacé non plus de dire, au sujet de la belle fête du Gésu, que le magnifique daim assis sur le trône épiscopal est un daim tout à fait national. Ce n’est rien moins que le daim qui n’a jamais servi dans l’église de Notre-Dame de Montréal. Livré