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Un jeune homme de Québec veut faire sa cléricature chez M. X…, avocat de Montréal et membre de l’Institut Canadien. L’archevêque de Québec prévient charitablement la mère de ce jeune homme que si elle envoie son fils chez M. X… qui est excommunié, elle sera excommuniée aussi par cela même. La mère, toute tremblante, se rend chez M. X… qui ne peut parvenir à la rassurer.

Et le jeune homme fera sa cléricature chez un patron qui n’est pas excommunié, mais qui n’a pas de causes.

Pour être conséquent, il faut admettre que les clients qui vont trouver M. X… sont anathématisés aussi, que le juge qui lui donne gain de cause se plonge à plaisir dans l’enfer, et que l’argent qu’il reçoit vient de Belzébuth…

Il ne reste plus qu’à décider maintenant si un débiteur de l’Institut peut le payer sans être excommunié. Si ce cas se présente devant un tribunal, il faudra que les juges en prennent leur parti, qu’ils se donnent à Satan ou donnent leur démission.

Il y en a qui ne se démettront pas ; ce qui fait voir l’état de démoralisation de nos tribunaux.

L’abus est un roi ; c’est un roi, vous dis-je, inclinez-vous. C’est le seul qu’on n’ait jamais pu détrôner. Je ne prétends pas essayer de le faire. Ce roi, après quelques centaines de révolutions, règne encore aujourd’hui sur 1,500,000,000 d’hommes et particulièrement en Canada, pays fait tout exprès. Il y a des pays faits pour les manufactures, d’autres pour les arts, d’autres pour les sciences, d’autres enfin pour les lettres. Le nôtre est fait pour les abus, ce qui explique l’étonnement de la presse bonace à la vue de l’émigration canadienne aux États-Unis.

L’abus a chez nous toutes les formes ; aujourd’hui, il est sous celle d’un salaire de gouverneur-général. Cet abus consiste à donner 10,000 louis par an à un homme qui n’en abuse pas. Je m’explique.

Si nous lui donnons 10, 000 louis, c’est pour qu’il en fasse quelque chose ; c’est pour qu’il donne des dîners, des soupers, des bals et des levers… puisqu’un gouverneur anglais n’a guère autre chose à faire et que nous sommes tenus de l’avoir. Ce n’est pas pour qu’il paie les dettes qu’il a contractées en Angleterre, attendu que le gouverneur du Ca-