Page:Buies - La lanterne, 1884.djvu/20

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ment masculin, comme tout ce qui est lourd. Et puis, un impôt qui vise à !…

Monseigneur dit que l’écu que nous dépensons au théâtre fait tomber sur nous un anathème qui se fera sentir jusqu’à la dernière génération.

Il m’est impossible de contester cela, puisque c’est parole sacrée. Mais je me permets une réflexion, et c’est ce qui me désespère ;… on ne devrait jamais réfléchir.

Nos petits enfants seront anathématisés quand même, malgré notre obéissance à notre pasteur. Nous sommes, nous, la dernière génération des hommes vivants ; or, nos pères qui allaient au spectacle, du temps de Louis XIV par exemple, ont dû être anathématisés aussi ; nous le sommes par conséquent, et nous transmettons cet anathème à nos petits enfants qui n’en pourront mais…

Voyez-vous ce que c’est que de raisonner !

Le Pérou vient d’être à moitié enseveli par un tremblement de terre. Je ne sais pas si c’est un buffle qui aura fait tout à coup son apparition sur quelque volcan de ce pays malheureux. Dans ce cas, il faut que ce soit un gros buffle, bien plus gros que celui d’Amalfi. Quand ils s’y mettent, ces buffles-là sont terribles. Pour eux, c’est la moindre des choses que de faire des tremblements de terre, et ils appellent ça « donner un spectacle. »

Il y a buffle et buffle. Le buffle ordinaire est celui qui se tient toujours dans les prairies où les Sioux et les Comanches le chassent ; celui-là ne donne pas de représentations. Mais le buffle des circulaires… brrrr !… Il arrive des montagnes exprès pour tout démolir. Après tout, le buffle du Pérou est peut-être le même que celui d’Amalfi qui aura eu le temps de grandir.[1]

Un autre genre de buffle, c’est l’Institut Canadien. Celui-là ne cause pas de tremblements de terre, mais il cause des tremblements de mère, voici comment :

  1. Extrait de la lettre circulaire de l’évêque de Montréal relative aux théâtres, en date du 30 août, 1868. Nous l’espérons, N. T. C. F. et nous demandons, avec d’instantes prières, que cette bonne et tendre mère éloigne de nous toutes les causes qui pourraient nous attirer la colère du Ciel, et qu’elle fasse pour cette ville ce qu’elle fit pour celle d’Amalfi. St. Alphonse, dont nous venons de vous parler, y avait donné une grande retraite avec des fruits merveilleux. À la clôture de cette belle mission, il dit au peuple, après l’avoir béni : Veillez sur vous-mêmes, mes frères, après notre départ il tombera de la montagne un démon qui vous exposera au malheur d’oublier toutes vos résolutions, et vous attirera le châtiment d’un tremblement de terre. En effet, le lendemain, lorsque les missionnaires étaient déjà partis, on vit descendre ce démon ; c’était un buffle qu’on avait lancé pour donner au peuple le spectacle d’un jeu profane. Mais à peine cet animal est-il arrivé sur la principale place, que toute la ville est ébranlée par un affreux tremblement de terre. Aussitôt le jeu cesse, le peuple effrayé se rend à l’église où l’Archevêque monte en chaire pour annoncer la pénitence et rappeler aux habitants les promesses qu’ils avaient faites durant la mission. Le prélat parlait encore, lorsqu’une secousse beaucoup plus violente ébranla horriblement l’église et renversa les chandeliers et tous les objets qui se trouvaient sur le maître-autel. On sortit incessamment avec l’Archevêque qui, continuant à prêcher sur la place publique, parla en ces termes de la menace prophétique : « L’homme de Dieu, dit-il, nous avait prédit ce grand châtiment, si parmi nous il s’en trouvait qui ne voulussent point se convertir. Prions, mes frères, pour ces pécheurs endurcis, et daigne le Dieu des miséricordes toucher leurs cœurs ! »