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Venez, venez avec vos obscures phalanges, dresser l’obstacle devant la Lanterne. Nous le culbuterons.

Vous avez avec vous les bourreaux de la pensée, nous en avons les soldats.

Nous avons des recrues partout, et vous l’ignorez. Oui, partout des recrues, parmi ceux qui portent encore leurs fers, comme parmi ceux qui les ont brisés.

Vous avez beau dire que la Lanterne est une œuvre de protestants, de Suisses, comme vous les appelez. Non, ce n’est pas une œuvre de protestants.

C’est l’œuvre des hommes libres, et de tous ceux qui veulent l’être.

Vos jongleries religieuses, votre pieux charlatanisme, sablonneux édifice d’impostures, n’aveuglent plus que les vieilles femmes.

Le peuple, longtemps pâture, redevient homme. Le bandeau tombe, ou ne couvre plus que des yeux depuis longtemps affaiblis.

Il ne fallait plus qu’un drapeau. Eh bien ! je le prends en main. Pleuvez sur moi, malédictions, calomnies, infamies, injures.

Je souris voluptueusement à l’outrage, et je vous nargue… troupeau !

Je lis dans la dernière Lanterne d’Henri Rochefort :

Le bureau de bienfaisance du sixième arrondissement, ayant besoin d’un médecin, avait placé, le premier sur la liste, le docteur Émile Allix.

Sur ces entrefaites, le ministre de l’Intérieur ayant appris que le jeune et savant docteur était appelé par Victor Hugo lui-même à donner ses soins à Mme Victor Hugo dans sa dernière maladie, a écarté M. Allix pour choisir le candidat placé en seconde ligne.

Vous rendez-vous un compte bien exact de la satisfaction que doit éprouver un malade à qui on vient tenir ce langage :

« Vous souffrez d’une maladie de foie qui vous emportera d’ici à un temps prochain. Nous pouvions vous envoyer un docteur qui seul parviendrait à vous sauver, mais comme il est un républicain et qu’il se permet d’aller donner ses soins aux exilés, nous allons le remplacer par un autre, entre les mains de qui vous passerez, très-probablement, mais qui a l’avantage d’être bonapartiste. J’espère que nous sommes gentils pour vous. »

C’est absolument là le langage que tient notre clergé dans les élections.

« Voulez-vous être ruinés, dit-il, mais sauver votre âme ? voici M. X, qui est un idiot, mais qui se présente devant vous tout exprès pour faire votre salut. Si vous élisez M. D., il parlera contre les fortifications de Lévis, et vous serez damnés à tout jamais. »

Le premier devoir d’un homme politique, dès qu’il entre dans l’Assemblée Législative, c’est de dire le chapelet, ensuite, de ne rien dire, et, en dernier lieu, de toucher $600 pour le rachat des péchés de ses commettants.

Il y a des députés qui ont le double mandat.[1] C’est pour qu’ils ouvrent les portes du ciel à double battant.

  1. On disait alors des députés élus pour le parlement fédéral et pour l’Assemblée provinciale également, qu’ils avaient le « double mandat. »