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qui était en vous d’ardeur et d’énergie ; votre ambition, vos espérances, vous les avez mises à leur service, et vous vous étonnez qu’ils vous plantent là pour de bonnes vieilles croûtes bien façonnées, bien atrophiées, durcies dans le pétrin, et dont ils pourront faire tout ce qu’ils voudront !

Et vous vous plaignez de ce résultat, après avoir aidé à le préparer ! Depuis dix ans, vous parlez contre Gérin, et vous vous étonnez qu’il soit vaincu, quand vous ne parlez pour lui que depuis un mois ! Vous ne comprenez donc pas l’infaillibilité de la logique ! Vous avez travaillé à l’asservissement de votre pays et au vôtre, et quand vous vous trouvez en face d’une population dégradée, sans idées, sans opinion, sans vertu, cela vous étonne !

Ah ! vous voyez aujourd’hui ce que c’est que d’avoir prêté vos mains jeunes et viriles à l’étouffement des idées. Vous en êtes les premières victimes.

Sachez une chose : on ne veut pas de vous, parce que vous n’êtes pas assez brisés sous le joug, qu’il vous reste encore des années à courir, pendant lesquelles vous pouvez être emportés par les idées libérales, et que le pouvoir clérical, votre maître, sentant aujourd’hui le terrain manquer sous ses pas, a besoin de s’entourer de fidèles aussi aveugles que certains et irrévocablement acquis.

On s’est servi contre vous des mêmes armes que contre les rouges. Ça ne coûte pas plus cher. Là encore, vous avez recueilli ce que vous aviez semé.

Votre grand cheval de bataille dans les luttes électorales était la religion : aujourd’hui ce cheval a pris le mors aux dents, vous n’avez pu le retenir, et il vous a tués dans sa course.

Réfléchissez devant l’évidence.

Je dis ceci à la jeunesse. Tant qu’elle ne sera pas virtuellement et pratiquement affranchie du clergé qui, loin de voir en elle un allié, n’y voit qu’un instrument qu’il brise dès qu’il ne lui sert plus, elle n’a rien à espérer de l’avenir.

Si le courage lui manque, qu’elle continue d’être esclave. La liberté n’est pas le pain des tremblants ; l’avenir n’est pas le prix des faibles.

On m’a raconté une histoire très-drôle.

Depuis que je rédige un journal immoral, (immoral, parce que je consigne les obscénités et les turpitudes de nos saints hommes), il me vient de tous côtés une telle quantité de renseignements et de documents divers, qu’il me faudra en faire une édition spéciale.

Or, un jour, un brave citoyen de la Pointe-aux-Trembles (en bas) qui n’avait jamais commis d’autre crime que de ne pas être le mouton de son curé, vient à mourir subitement pendant qu’il travaillait sur sa terre.

Punition de Dieu ! Exemple manifeste du châtiment qui attend tous ceux qui refusent de se faire tondre.