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mettre le désordre dans leurs ménages et, au moyen des femmes, les faire renoncer aux versements obligés en leur faisant retirer leurs noms !

Mais elles sont trop usées, vos ficelles, cher ami. Notre éducation s’est faite, voyez-vous.

Quand je pense toutefois que les libéraux ont été assez…, je ne dirai pas quoi, pour voir dans l’Ordre un allié !… Et quand je leur montrais clair comme le jour cette énorme bêtise, ils me traitaient de…, je ne dirai pas quoi encore.

Enfin, j’espère qu’ils ont ouvert les yeux. L’Ordre, l’Ordre est votre pire ennemi, enfants. Votre meilleur ami, le connaissez-vous ? c’est… le Nouveau-Monde.

C’est lui, c’est ce journal, complètement idiot du reste, qui a plus fait pour le libéralisme depuis un an que tous les actionnaires du Pays imaginables.

Mon Dieu ! s’il pouvait donc y avoir trois Nouveau-Monde dans Montréal, je me ferais élire à l’unanimité représentant de n’importe quel comté.

Si je n’avais pas à écrire pour le public, je ne m’occuperais certainement pas d’un article publié dans la Minerve de la semaine dernière, un des articles les plus sots, les plus vides, les plus saturés d’ineptie qu’on puisse enfanter en délire.

Il y a évidemment deux rédacteurs-en-chef à la Minerve. L’un écrit des articles sensés, du moins par la forme, discutables, saisissables par quelques arguments qui ne rendent pas la discussion oiseuse et lui donnent une raison d’être ; l’autre semble avoir été mis là, comme un bouche-trou, pour dire n’importe quoi, quand il n’y a rien à dire.

Or, le bouche-trou a essayé, la semaine dernière, de démontrer l’excellence des monarchies, et en regard, la faiblesse, le danger, l’instabilité des républiques. Écoutez-moi ça.

« La révolution, dit-il, reçoit dans son sein tous les affamés et tous les ambitieux. Elle paie ses soldats et ses sicaires par les rapines et les places. »

Les affamés et les ambitieux ne sont pas ceux qui font naître les révolutions, mais ceux qui les étouffent. Les révolutionnaires s’appellent Brutus, Camille Desmoulins, Guillaume Tell, Washington ; les étouffeurs, soldats ambitieux, se nomment Sylla, Cromwell, Bonaparte.

Et quand une révolution est étouffée, c’est alors que surgit et se multiplie la gent des affamés, courtisans avides, valets blasonnés, à quatre pattes devant les rois, n’ayant pour fonction que de mendier des faveurs et des places.

Dans les républiques, tous les hommes étant égaux, il n’y en a pas qui soient les marchepieds des autres, ni esclaves par profession.

« Si les monarchies ont tant à lutter, c’est que la révolution leur rend l’hommage que leur existence est incompatible avec le désordre social. »